L'air était doux mais frais. Des nuages gris avaient recouverts le ciel et le soleil, qui venait de quitter son zénith. Bien que la Saison des Feuilles Nouvelles fût entamée, le mauvais temps persistait en nous imposant ses pluies aussi soudaines qu'éphémères et sa température moyenne. A cause de ce climat humide et froid, Cœur d'Ombre - la Guérisseuse du Clan du Lion - était tombée malade. Oh, pour le moment ce n'était rien de grave, mais j'avais dû prendre sa place auprès de nos patients le temps qu'elle aille mieux. Du coup, j'étais au petits soins avec celle qui était non seulement ma Mentor, mais aussi une amie précieuse, voir une grande sœur pour moi. J'avais donc passé toute ma matinée à m'occuper d'elle et à rester auprès d'elle pour ne pas qu'elle ne se sente seule. Seulement, j'avais oublié que quelques fois, elle devait aussi se retrouver seule pour se reposer. Mais elle n'a pas hésité à me le rappeler en me conseillant de prendre mon temps pour aller chercher de quoi remplir nos réserves de remèdes. Un peu honteuse de l'avoir trop materner à en oublier mes devoirs d'Apprentie Guérisseuse, je le lui avait promis et la seconde après, j'étais déjà sortie du Camp. Destination : la Cascade.

Bientôt, le bruit de l'eau se jetant sur les rochers avec fracas atteignit mes oreilles et le sol terreux sous mes pattes se changea en roche, signe que la Cascade n'étaient plus très loin. Et en effet, quelques secondes plus tard, j'aperçus l'eau de source s'échappée de la pierre pour descendre le long de la pente rocheuse, tel un serpent avançant avec fluidité. Au bout de cette pente se trouvait un grand point d'eau où le serpent de forme liquide se jetait depuis plusieurs mètres de hauteur. Pour un Bipède, la chute n'aurait pas été très longue, mais pour un chat, ça pouvait être dangereux. Bien que les Chutes se trouvant sur les Terres Libres étaient bien plus dangereuses, voir mortelles. Mais le paysage y était magnifique, et c'est également ici que se trouvaient le plus grand nombre de Prêle sur le territoire du Clan du Lion, grâce à l'humidité du sol. Pour ma part, j'étais venue ici plus pour le végétal que pour la vue. Ce n'est pas ça, je trouvais le paysage époustouflant, voir romantique - d'autant plus que c'était ici que l'histoire d'amour de mes parents avait commencé - mais je ne me sentais pas trop à l'aise en présence d'une eau si vive. Je dû pourtant faire un effort le temps de ramasser les feuilles de Prêle au bord de l'eau...

A petits pas, j'avançais prudemment le long de la petite rivière à la recherche d'un plant de Prêle, tout en ouvrant légèrement la gueule afin d'humer son odeur. Après quelques pas vers le haut de la pente, j'aperçus enfin la plante aux feuilles rappelant les épines des pins au milieu du cours d'eau. * Mince, pensais-je, il va falloir que je me mouille les pattes si je veux réussir à les attraper * A contre cœur, je tendis une patte sur le premier rocher qui se trouvait devant moi et essaya de monter dessus. Bien que la pierre sous mes pattes était glissante, je réussi à progresser vers la Prêle en sautant de pierre de pierre. A présent, il ne me restait plus qu'une pierre à traverser et je serais capable de cueillir quelques feuilles de la plante curative. Mais le Destin en décida autrement... Au moment où mes pattes arrières touchèrent le petit roc, elles glissèrent et la moitié de mon corps se trouva dans l'eau froid. Aussitôt, j'essayai de faire remonter mon arrière-train, mais mes griffes ne trouvant pas de prises sur le rocher, je continuai à glisser et bientôt, je fus entièrement dans l'eau. Alors que l'eau imprégnait ma fourrure, la rendant plus lourde, je sentis mon corps se diriger lentement vers le fond. Je battis alors des pattes pour me faire remonter à la surface et j'ouvris grand la bouche pour remplir mes poumons d'air lorsque ma tête traversa la surface de l'eau. Après quoi, j'essayai désespérément de rejoindre la rive la plus proche, mais le courant était trop fort et n'ayant pas l'occasion de nager souvent, l'eau m'emporta dans sa descente. Puisant dans mes dernières forces et écoutant mon instinct, je continuai néanmoins à battre des pattes dans le sens contraire du courant pour ralentir ma course. Et bien que je doute qu'on puisse m'entendre avec le bruit de l'eau, je commençai à appeler au secours, espérant qu'un chat rôdait dans les parages.

Mais bientôt, mes pattes refusèrent de m'obéir davantage et je sentis l'eau essayer de me tirer vers le fond. La dernière chose que je vis avant de disparaitre sous la surface, c'est un éclair noir se jetant dans l'eau à son tour...