« C'est quand on touche au but que l'on se découvre »

« Il est de retour. »

Ces tendres mots me tournait dan la tête encore et encore, comme une tendre mélodie. L'esprit perdu dans l'infinité du ciel que je contemplai, je me sentais aussi légère qu'un nuage, qu'un oisillon prêt à décoller pour la première fois. Je ne me sentais plus seule. J'étais accompagnée à présent. Il ne m'abandonnera plus jamais j'en étais sûr. Soleil et lune ce faisaient concurrence pour savoir qui était celui qui illuminait le ciel le plus d'intensité. Pour l'instant, la lune perdait le duel mais le soleil, forcé d'entamer sa descente, commençait à lui céder la place. Contempler ce beau spectacle me faisait rêver. J'avais envie de m'éloigner du camp et de courir jusqu'au bas de son arbre pour me blottir contre son chaud pelage. Mais quelque chose me retenait. Au fond de moi, je sentais qu'aujourd'hui était un grand jour, sans tout à fait savoir pourquoi. Je me rappelai alors pourquoi j'étais sortie du camp. Je devais chercher de la mousse pour les anciens. Je descendis de mon rocher, laissant les étoiles derrières moi. Je m'approchai en silence d'un chêne et entrepris de récolter la mousse qui poussait sur le tronc.

Je fis une boule avec la mousse que j'avais détachée et la prit délicatement dans la gueule puis je pris le chemin du camp. Le sentier qui guidait jusqu’à lui était recouvert d'empreintes de chat. Certaines petites, d'autre massives. Je me surpris à essayer de nommer quelques unes d'entre elles. Devant moi, les buissons se firent plus fournis. Je me faufilai entre les épineux et me redressai. Devant moi le camp se dressait dans toutes sa splendeur. Voilà six lunes que je vivais ici et à présent je connaissais chaque coin d'ombre et chaque recoin. Je m'avançai dans la clairière d'un pas souple et déposai la mousse devant l'apprenti en charge des litières. Puis je fis demi tour et, après avoir pris une proie sur le tas de gibier, je m'installai devant la tanière des novices. Je me mis à mâchouiller ma proie tout en ramenant mes pensée sur Son retour. Mon corps frémit en pensant à lui. Du coin de l'oeil, j'aperçus Etoile de Fumée sortirent de sa tanière. Mon regard bleuté le suivit jusqu'au promontoire où il s'élança avec une agilité surprenante. Sous la lumière des deux astres toujours en compétition, on aurait dit qu'il appartenait déjà à nos ancêtres. Cette vision me perturba. Mais comme pour prouver qu'il était toujours parmi nous, notre meneur poussa un long miaulement. Sa voix rauque déchira la silence. Les chats sortirent un à un de leurs tanières pour venir s'assoir devant l'imposant roc. Je les suivis et m'assis au dernier rang. Etoile de Fumée contempla les siens et commença d'une voix grava :

« Chats du Clan du Léopard. Aujourd'hui est un jour spécial, en particulier pour deux de nos Apprenties. Veuillez avancer, Nuage de Lune, Nuage d'Automne. Plume de Sureau et moi-même, étant les mentors respectifs de ces deux Novices, avons pensé qu'il était temps qu'elles deviennent Guerrières. Nuage de Lune, Nuage d'Automne, promettez-vous de suivre le code du Guerrier et de protéger le Clan, même au péril de votre vie ? »

J’eus un mouvement de recul. Moi ? Guerrière ? Non ce n'est pas possible. Devant moi, la foule s'écarta. Je me levai et d'un pas lent, m'approchai du roc. J'avais peur. Mon coeur battait si fort qu'il devait résonner dans toute la clairière. Nuage d'Automne se retrouva à mes côtés. Je ne lui avais jamais adressée directement la parole. Mais dans ses yeux je me reconnaissait. Je pouvais lire la même angoisse, la même fierté et la même excitation. Tremblante, je m'assis à ses côtés, la queue frétillant d'excitation. Je levai mes grands yeux vers notre chef. Puis après une grande inspiration je répondis à sa question, d'une voix étranglée par l'émotion :

« Oui. »

Ce oui voulait tout dire. C'est pour le prononcer que je m'étais entraînée pendant six lunes. C'est pour lui que j'avais chassé tant fois et que j'avais combattu les chiens. Je regardai Douce Plume un court instant. Son regard restait indéchiffrable. La voix de Nuage d'Automne vint compléter la mienne puis le vétéran gris entonna les paroles ancestrale :

« Moi, Etoile de Fumée, Chef du Clan du Léopard, par les pouvoirs qui me sont conférés par le Clan des Etoiles, te donne ton nom de Chasseuse. À partir d'aujourd'hui, tu seras Caresse de Lune. Que le Clan t'accueille en son sein, comme une Guerrière à part entière et que nos Ancêtres veille sur toi. »

Il posa sa tête sur moi. Comme devait le faire le nouveau chasseur, je lui léchai l'épaule avec affection. Je voulais le remercier de tout ce qu'il avait fait pour moi. C'était grâce à lui que j’en était là et je lui en était infiniment reconnaissante. Pleine de joie, je l'écoutait baptiser Nuage d'Automne qui devint Chanson d'Automne. Le clan se mir à scander nos deux noms. Je me levais et poussai un petit miaulement de joie. Notre chef s'approcha de nous et nous félicita chaleureusement. Je me confondis en remerciement, les yeux brillant si fort qu'on aurait pu croire que j'allai pleurer. Le chat au pelage de cendre finit par clore la cérémonie :

« Comme le veut la tradition, vous veillerez ce soir sur le Camp, en silence. »

J'hochai la tête et attendis Chanson d'Automne pour partir m'assoir à ses côtés. Même si je la connaissais peu, j'enroulais ma queue autour de la sienne, ne pouvant exprimer ma joie autrement. Le sol était encore chaud, même si le soleil avait disparut maintenant. Un rayon de lune nous éclaira nous frôlant le pelage. Caresse de Lune... Je trouvais que ce nom m'allait si bien. Je levai la tête vers les étoiles et pensai de tout mon être :

« J'y suis parvenue Ombre Flamboyante. Je suis devenue une guerrière. »