CARESSE DE LUNE
« Pourquoi ça n'arrive qu'à moi ? »

Le soleil n'est pas encore levé lorsque je me faufile entre les fougères qui dissimulent l'entrée du Camp. Silencieuse comme si j'étais à la chasse je marche à pas de velours jusqu'à arriver assez loin pour être sûre que personne ne m'entendra. La Lune se couche avec lenteur. Souvent on regarde le soleil disparaitre mais combien on vu la lune faire de même ? Pourtant c'est tout aussi majestueux mais peut être moins spectaculaire. Me mettant à courir, je me dirige droit vers un arbre au branches assez grandes pour soutenir mon poids et enfonce mes griffes dans l'écorce. Me propulsant à l'aide de mes pattes arrières, je m'assois sur la branche la plus basse et, après avoir chercher mon équilibre, contemple la lune pendant de longues minutes. Le ciel est encore d'un noir d'encre qui rend les étoiles plus brillantes qu'elles ne le sont déjà. Les nuages créer autour de l'astre une sorte de halo argenté. Je souris sous la beauté de ce moment, puis repose mon regard vers le sol et saute au bas de l'arbre.

Voilà plusieurs jours que je ne suis pas sortie de nos territoires. Absorbée dans l'entrainement de ma deuxième novice et les patrouilles je n'en ai pas eu le temps. Nuage du Destin est la première à qui je dois tout apprendre, Noisette des Abysses ayant déjà eu deux mentors avant moi. Alors je m'applique, je fais de mon mieux. Je veux qu'elle devienne une grande guerrière pour qu'elle puisse être fière d'elle. Je veux que le Clan puisse être fière d'elle. Traversant la frontière sans même la regarder je repense au temps où je la franchissais tous les jours. C'était il y a tellement longtemps. Traversant le chemin du Tonnerre je parcours les terres libres d'un pas léger. Ce matin je me sens libre et légère. Voilà plusieurs semaines que mon moral c'est amélioré et à force de ne plus penser à tous les moments douloureux que j'ai traversé j'ai fini par réussis à les occulter de ma mémoire. Enfin c'est ce que j'espère. Je sais qu'ils sont toujours là et chaque fois que je vois un couple de félin mon coeur se serre. Mais je les laisse loin dans mon esprit tout au fond, ensevelis sous le reste pour ne pas qu'ils ressortent. Je n'en veux plus.

Lorsque j'arrive à proximité de la Ferme de Gerboise le ciel commence à peine à s'éclaircir. Je ne me souviens pas être déjà venue ici et c'est simplement ce que les autres guerriers ont bien voulu me dire qui m'a permis de trouver mon chemin. Je contemple la grande en pierre grise au toit de chaume. Prudemment, à l'affut de la moindre senteur suspecte je m'avance le bâtiment imposant. Il n'y a aucune odeur de bipède dans le coin et pousse un soupir de soulagement. M'avançant à pas de loup, je fais le tour de la construction et finis par trouver une ouverture dans l'un des murs. Quelques pierres ont été délogées de celui-ci permettant tout juste à un chat de s'y faufiler. Des effluves de souris et de paille me viennent de l'intérieur. Pourtant, à cause de l'obscurité qui y règne, j'hésite à entrer. Dans le lointain j'entends un bruit d'aboiement. Je sursaute et me retourne, mais n'aperçoit rien du tout. J'essaye de sentir, mais l'odeur de la grange est trop entêtante pour que je puisse discerner autre chose. Le cri retentit à nouveau beaucoup plus proche cette fois. Tous mes muscles se tendent et, sur mes gardes, m'éloignent du trou pour commencer à gravir la butte qui me bouche la vue. Grossière erreur. Je me retrouve face à un molosse aux babies dégoulinantes de bave. Mes yeux s'écarquillent de terreur et mon poil se hérisse. Il pousse un grognement sourd et une lueur inquiétante s'allume dans son regard. Je ne prends pas le temps de la contempler car je fais demi-tour et détale à toute vitesse.

Serpentant entre les herbes je regrette de m'être autant éloignée de la grange. Mon coeur bat à toute vitesse contre ma poitrine et ma queue a doublé de volume. Je sens le souffle chaud du chien dans mon cou. Tendant mes muscles et plantant mes griffes dans le sol, j'effectue un dérapage , projetant autour de moi des mottes de terre, pour essayer de gagner un peu de terrain. Ma stratégie marche et, le temps qu'il retrouve son équilibre j'ai rejoint le trou et m'y faufile sans réfléchir. Au début je ne vois, j'entends juste les jappements du chien et les coups de pattes qu'il donne contre la pierre. Epuisée, je m'écroule au sol, mi riant mi pleurant, les poils toujours hérissé sur mon échine.