Ce matin était un grand jour pour Nuage de Saule, le fils de Pelage d'Ombre. Il allait faire son premier entrainement. Pelage d'Ombre était fier d'être son mentor mais il n'avait aucune expérience en matière d'apprentis. Nuage de Saule était son premier et il appréhendait d'autant plus que l'entrainement se passe mal car c'était quand même son fils qui était en jeu. Il avait peur de ne pas être trop sévère avec le chaton ou au contraire de l'être trop. Le matou, se leva péniblement, le noeud à l'estomac. Quand il sortit de la tanière le soleil brillait déjà. Il avait quelques peu neigé pendant la nuit et le manteau blanc étincelait sous la chaude lumière de l'astre de feu. On entendait au loin quelques oiseaux qui chantaient, le vrombissement des Monstres étouffés par les arbre. Aucun nuage ne voilait le ciel azur. C'était une journée idéale pour s’entraîner.
Il fut surpris par Nuage de Saule qui l'attendait déjà près de la tanière des guerriers. Il ravala sa salive, essayant de ne pas laisser paraître sa peur de l'échec et adressa un grand sourire au chaton.

Tu es prêt, dit-il gaiement, ne va pas manger tout de suite, je vais aller t'apprendre les rudiments de chasse et tu pourras manger les proies que tu attrapes.

D'un signe de queue, il fit signe au chaton de le suivre. Trotinant dans la neige, les deux félins se rendirent au coeur de la forêt de Grand Pins. Même si la Saison des Neiges n'était pas la plus propice à une chasse abondante, Pelage d'Ombre allait faire de son mieux pour que son fils attrape au moins une proie.
Quand ils arrivèrent, Pelage d'Ombre se tourna vers le chaton et lui demanda :

Tu connais quelques postures de chasse ? Montre moi ce que tu faisais dans la Pouponnière.

Il observa attentivement les mouvements du chaton.

Son apprenti se mit maladroitement en position, visiblement incertain de lui. Pelage d'Ombre l'observait en souriant. Le petit réussi enfin à se positionner, face au vent et en équilibre sur son arrière-train prêt à bondir. Il avança, lentement, une patte après l'autre. Quand il eut terminé, le chaton se retourna vers son père. Il le questionnait du regard.
Le guerrier noir esquissa un sourire encourageant et pris la parole :

Tu as des bases solides, je pense que tu n'auras aucun mal à apprendre les différentes techniques de chasse. Tout d'abord je vais tester ton odorat, c'est très important pour être un bon guerrier. Dis moi, que sens-tu ?

En attendant que son fils réponde, Pelage d'Ombre essaya lui-même de discerner les odeurs. Beaucoup de parfums différents se bousculaient et le félin entrouvrit la gueule pour séparer chaque senteur. L'odeur d'un écureuil vint percuter son nez, et jetant un coup d'oeil discret à la cime d'un pin, il vit effectivement une boule de poil de couleur rousse. L'odeur d'un rongeur était aussi très présente, surement une musaraigne. Il ne dit rien et attendit que son apprenti réponde.

Après une longue attente pendant laquelle Nuage de Saule devait repérer les proies ou les dangers potentiels, il répondit enfin sous le regard confiant du guerrier noir :

Il y a un rongeur, certainement une souris, ou bien une musaraigne. Il y a une autre odeur, mais je n'arrive pas à trouver sa source ... Elle semble beaucoup plus éloigné de le rongeur, c'est peut-être pour ça que je n'arrive pas à la trouver.

Pelage d'Ombre leva les yeux vers la cime du pin, la ou il avait aperçu l'écureuil. En effet, le petit animal s'était éloigné et l'on ne voyait plus que sa queue touffue qui se balançait à plusieurs queues de renard de la. Il était donc normal que l'apprenti ait eu du mal à reconnaître l'odeur. Pelage d'Ombre espérait que l'écureuil se rapproche pour permettre à Nuage de Saule de le repérer.

En effet, il y a bien une musaraigne près d'ici, affirma le guerrier. La seconde odeur est celle d'un écureuil. Il était juste au dessus de nous il y a quelques secondes. Il s'est éloigné maintenant, c'est pour cela que son odeur est plus ténue. Mais tu t'es très bien débrouillé. Bon, ajouta-t-il, puisque nous avons un rongeur près de nous je vais t'enseigner cette chasse en premier. Sache que les souris, musaraignes et autre petites bestioles percent notre odeur avant de nous voir. Il te faut donc toujours être face au vent quand tu chasses ce type d'animal.

Puis Pelage d'Ombre montra à son fils la position à adopter pour réussir à attraper la musaraigne. Il se tapit sur le sol, complètement immobile. Seuls ses yeux bougeaient. Ils suivaient le mouvement de la proie qui était juste devant eux en train de fureter dans les herbes. Une légère brise soufflait mais la musaraigne ne les repéra pas. Du coin de l'oeil Pelage c'Ombre observa son apprenti qui se positionnait pour attraper sa première proie.

Quand, Pelage d'Ombre évoqua l'écureuil, son fils se mit à scruter les arbres à sa recherche. Il n'en avait surement jamais vu de sa vie. La petite bête rousse, passa à toute allure au dessus des têtes des deux félins et Nuage de Saule eut juste le temps de l'apercevoir. Quand l'écureuil fut hors de vue, l'apprenti se concentra sur les paroles et les gestes de Pelage d'Ombre. Celui-ci était très fier que son fils soit aussi sérieux. D'autres apprentis auraient déjà foncé tête baissée sur la proie et l'auraient loupé. C'était ce qu'avait tendance à faire le félin noir, et il ne fallait surtout pas qu'il montre le mauvais exemple à son fils.

Après sa démonstration, Nuage de Saule se mit en position et avança lentement sous le regard attentif de son père. Sa patte se posa sur une brindille qui craqua, et l'on eut l'impression qu'un bruit effroyable avait retentit, tellement la forêt était calme. Comme si, les arbres et les oiseaux retenaient leur souffle et avaient le regard rivé sur les mouvements de l'apprenti. La musaraigne avait elle aussi entendu le bruit et se mit à scruter tout autour d'elle. Alors, Nuage de Saule eut le bon geste. Sans attendre plus longtemps, il s'élança à la poursuite du petit mammifère. Chaque foulée le rapprochait un peu plus de son but. Dans un élan, l sauta sur la bestiole qu'il acheva d'un coup de crocs dans la nuque. Puis l'apprenti bicolore trottina vers son père, déposa la proie à ses pattes et demanda :

Alors ? Comment j'étais ?

Pelage d'Ombre, décrocha aussi un sourire. Son fils avait été parfait. Il avait réussi à attraper sa première proie, du premier coup. Lui-même n'aurait pas fait mieux. Il jeta un oeil vers le corps sans vie de l'animal et répondit :

Tu as été stupéfiant. Je te félicite. Tu as su rester concentré même lorsque la musaraigne t'as entendu. Tu as bien mérité de la manger, cette toute première proie, ajouta-t-il en poussant l'animal vers sont fils.

Le ventre de Pelage d'Ombre gargouillait, lui rappellant qu'il n'avait lui non plus pas pris de repas ce matin. Un campagnol eut le malheur de venir près des deux félins et le guerrier noir le tua d'un coup de patte.